“Le développement et la protection des œuvres culturelles sur les nouveaux réseaux” : recommandations de la mission Olivennes

Chargé d’une « mission de réflexion et de concertation destinée à favoriser la conclusion d’un accord entre professionnels, permettant le développement d’offres légales attractives d’œuvres en ligne et dissuadant le téléchargement illégal de masse », ou, « à défaut d’un tel accord », l’adoption de « mesures législatives et réglementaires », Denis Olivennes a remis les conclusions au Président de la République le 23 novembre 2007. La mission s’est efforcée de proposer « des mesures à la fois efficaces et respectueuses des libertés individuelles », susceptibles de satisfaire les intérêts des titulaires de droits et les revendications des internautes adeptes de la gratuité, répondant ainsi par avance à ceux qui n’ont pas manqué de souligner que Denis Olivennes, comme président de la FNAC, était à la fois « juge et partie ». Le rapport sur « le développement et la protection des œuvres culturelles sur les nouveaux réseaux » dresse un état des lieux du « piratage numérique en France ». Il propose ensuite des solutions pour « inciter au développement de l’offre légale » et pour « désinciter au développement de l’offre illégale » d’œuvres sur Internet.

Etat des lieux

La réflexion part de deux constats concernant le « piratage numérique en France ».
Ce phénomène est devenu « massif et diversifié ». Par différentes techniques (réseaux de peer to peer (poste à poste), plates-formes de partage de contenus, newsgroups (forums)…), il touche les œuvres musicales et audiovisuelles. Cela accentue ses « effets économiques négatifs » sur « la rémunération des créateurs, le financement de la production et l’efficacité […] de la distribution » et, chemin faisant, sur la création et la diversité culturelle. En outre, les outils juridiques (sanctions pénales, action préventive en référé ou saisie-contrefaçon, responsabilité des intermédiaires techniques) et techniques (identification et filtrage des contenus, mesures techniques de protection) existent, certes, pour combattre le piratage numérique, mais ils se sont avérés inapplicables ou insuffisants.

Pour y remédier, le rapport préconise de combiner des mesures préventives et répressives : elles contribuent soit au développement de l’offre légale, soit à la réduction du téléchargement illégal.

Développement de l’offre légale

La première façon de lutter contre le téléchargement illégal serait de « rendre l’offre numérique légale plus attractive, d’abord en termes de contenu, mais aussi et surtout en termes de facilité d’utilisation, de disponibilité et de prix ».

Le rapport recommande d’ « accélérer la mise à disposition en vidéo à la demande », par l’assouplissement de la chronologie des médias et l’alignement du délai, à compter de la date de sortie des films en salle, de ce mode de diffusion, sur celui de la commercialisation des supports vidéo. Le bénéfice des aides à la production cinématographique pourrait être subordonné « à l’engagement que le film soit rendu disponible en VOD ».

En matière musicale, l’amélioration de l’offre numérique nécessiterait l’abandon des mesures techniques de protection qui « font obstacle à l’intéropérabilité ». Il conviendrait de « développer des actions de valorisation de l’offre numérique », par « l’instauration d’une signalétique […] de la gestion des droits » et l’élaboration d’un répertoire des offres légales, et de généraliser l’application du « taux de TVA réduit à tous les produits et services culturels ». Critiquées pour leur imprécision, nombre des recommandations requièrent surtout une collaboration effective entre les différents acteurs. Les principales réserves se sont cependant focalisées sur les mesures visant à « désinciter au développement de l’offre illégale ».

Réduction du téléchargement illégal

Soucieux de proposer des « réponses pragmatiques et proportionnées » au piratage, le rapport recommande la juxtaposition de différentes mesures.

Les ayants droit devraient se regrouper « en une agence unique chargée de lutter globalement contre le piratage et de favoriser l’évaluation, le choix et la promotion de technologies […] de marquage et de reconnaissance des contenus », afin de pouvoir « généraliser les techniques de filtrage ».

Les pouvoirs publics devraient publier un indicateur mensuel des volumes de téléchargements illicites, permettant « une meilleure connaissance de l’ampleur du piratage » ; « simplifier et clarifier la circulaire » du 3 janvier 2007 relative à la mise en œuvre de la loi DADVSI, « pour favoriser une application plus effective de la loi»;«mettre en place soit une politique ciblée, soit un mécanisme d’avertissement et de sanction allant jusqu’à la suspension et la résiliation du contrat d’abonnement ».

Un tel mécanisme à « forte portée pédagogique » pourrait, sous le contrôle du juge, reposer sur « l’intervention directe des fournisseurs d’accès » ou être « piloté par une autorité publique » telle que l’Autorité de régulation des mesures techniques. Chargée d’adresser des avertissements aux internautes contrevenants, elle serait investie d’un pouvoir d’injonction et, à défaut d’un véritable pouvoir de sanction, d’un rôle de médiation préalable à l’intervention du juge.

Inspiré d’une proposition formulée par le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), dans un livre blanc publié en octobre 2007, ce système de réponse graduée a été qualifié par une association de consommateurs de « surenchère répressive ». Pour d’autres, la faculté, accordée à une autorité administrative, de prononcer des injonctions pouvant aller jusqu’à la résiliation de l’abonnement des internautes « revient à instaurer une police et une justice privée ». Le dispositif proposé aurait pourtant vocation à s’appliquer sous le contrôle du juge.

Envisagé comme une solution alternative au défaut d’application, au téléchargement illégal, des sanctions pénales de la contrefaçon, le mécanisme envisagé aurait l’avantage de mettre le droit en conformité avec la pratique, sans risquer d’encourir, comme la « contraventionnalisation » du téléchargement, initialement prévue par la loi DADVSI du 1er août 2006, la censure du Conseil constitutionnel.

La démarche de la mission Olivennes a suscité des réactions contrastées. Dénoncé, par les représentants de certaines associations de consommateurs ou d’internautes (UFC-Que Choisir, APRIL ou la ligue Odebi), comme « potentiellement liberticide, anti-économique et à contresens de l’histoire numérique », le rapport constitue, pour d’autres, « un accord et une promesse » . Conscients de la nécessité de « mener une action concertée et lisible dans la lutte contre l’atteinte portée aux droits de propriété intellectuelle sur les réseaux numériques », différents protagonistes ont signé le 23 novembre 2007 un « accord pour le développement et la protection des œuvres et programmes culturels sur les nouveaux réseaux ». Il prévoit une application concertée des mesures préconisées. Les plates-formes d’hébergement, les associations de consommateurs et les organisations d’internautes n’y sont cependant pas parties. L’application en est largement conditionnée par le « fonctionnement effectif du mécanisme d’avertissement et de sanction » qui suppose l’adoption d’un texte législatif annoncé pour le premier semestre 2008.

Sources :

  • Circulaire de la DACG n° 2007-1/G3 du 3 janvier 2007 « présentant et commentant les dispositions pénales de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information et d’action publique dans le domaine de la lutte contre les atteintes à la propriété intellectuelle au moyen des nouvelles technologies informatiques », Bulletin officiel du ministère de la Justice, n° 2007-01, 28 février 2007.
  • « Face au téléchargement pirate, l’union fera la force », E. Hoog, D. Lombard, L. Petitgirard, P. Rogard, J.- P. Salomé, N. Seydoux & B. Tavernier, Le Figaro, 29 novembre 2007.
  • « Dailymotion et Youtube ne signent pas la charte Olivennes », P.G, Le Figaro, 27 novembre 2007.

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