Royaume-Uni : la rétrogradation des sites pirates à l’ordre du jour

Le Bureau de la propriété intellectuelle britannique vient de conclure, avec les principaux représentants des industries culturelles et du divertissement, ainsi qu’avec plusieurs moteurs de recherche, un accord prévoyant la rétrogradation des sites comportant des contenus illicites.

Les moyens de lutte contre la contrefaçon en ligne sont multiples et complémentaires. Au-delà des dispositifs répressifs (blocage de site par décision d’un tribunal, retrait d’un contenu illicite d’une plate-forme, riposte graduée,…), la visibilité des sites de piratage est également en ligne de mire. L’assèchement de leurs ressources publicitaires constitue déjà une voie privilégiée pour réduire leurs bénéfices et leur capacité d’action. Le récent décret du 9 février 2017, relatif à la transparence des prestations de publicité en ligne, permettra aux annonceurs de mieux contrôler la diffusion de leurs campagnes et de veiller à ce que celles-ci ne soient pas associées à de tels services. De même, la rétrogradation, voire le déréférencement de ces sites par les moteurs de recherche, permettrait de restreindre leur accessibilité.

Tel est l’objectif du code de coréglementation visant à rétrograder les contenus illicites (Voluntary Code of Practice dedicated to the removal of links to infringing content from the first page of search results), qui a été adopté au Royaume-Uni le 9 février 20171. Ce texte a été rédigé à l’initiative du Bureau de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni (Intellectual Property Office, IPO). Il réunit les principaux représentants des industries culturelles et du divertissement britanniques, ainsi que plusieurs moteurs de recherche, au rang desquels figurent bien sûr Google et Bing. La concertation recherchée de ces différents acteurs devrait aboutir à un meilleur contrôle du référencement des sites comportant des contenus illicites.

Le problème du référencement des sites comportant des contenus illicites

Les moteurs de recherche référencent naturellement les sites de streaming et de téléchargement comportant des contenus illicites. Ceux-ci sont ici entendus comme étant ceux mis à la disposition du public sans l’autorisation des titulaires de droits. Aussi, cela explique qu’une proportion importante des internautes qui souhaitent consulter ou télécharger à moindre frais des œuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques ou des diffusions d’événements sportifs, y accède via ces services. À défaut de pouvoir saisir ceux qui éditent ces sites, les ayants droit tentent logiquement de limiter leur diffusion, y compris par voie judiciaire. En France, le référé « droit d’auteur » de l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle a pu ainsi être employé à l’encontre de Google, en raison du référencement de mots clés pouvant diriger les internautes vers ce type de sites.

Tel a été le cas à l’égard du service Google Suggest, qui associait automatiquement les termes « Torrent », « Rapidshare » ou encore « Megaupload » aux noms d’artistes et titres d’œuvres recherchées2. Le filtrage des contenus comportant le terme « Torrent » n’a, quant à lui, pas été accordé sur ce fondement. Faute de viser des contenus précis et déterminés, les juges ont estimé qu’une telle mesure serait disproportionnée par rapport au but poursuivi3, quand bien même la majorité des sites référencés serait en lien avec le piratage. La solution, du reste, est conforme au droit de l’Union européenne, la Cour de justice ayant affirmé, dans son arrêt « Sabam » du 24 novembre 2011, qu’une mesure de filtrage généralisée ne pouvait être prononcée pour la défense des droits de propriété intellectuelle en ligne, celle-ci risquant notamment de porter atteinte à la liberté de communication4. Une identification plus précise de ces derniers est donc nécessaire pour mieux les rétrograder. C’est ce dont prend acte le code précité.

De l’identification à la rétrogradation des sites comportant des contenus illicites

Le principe mis en œuvre par le code de coréglementation est assez simple. Sous l’égide de l’IPO, il permettra aux ayants droit de collaborer directement avec les moteurs de recherche afin d’identifier les sites litigieux, en fonction de leurs contenus. Ceux-ci ne seront pas automatiquement déréférencés, mais simplement rétrogradés dans le classement des résultats de recherche. Inversement, les internautes seront dirigés vers des sites « légaux », qui seront alors les premiers présentés. À terme, cela n’empêchera pas bien sûr les ayants droit de demander le déréférencement complet du site incriminé. Simplement, cette mesure transitoire permettra de limiter l’impact de la diffusion non autorisée des contenus en cause. Elle n’est donc que complémentaire à l’arsenal judiciaire anti-contrefaçon. Le procédé, qui entrera en vigueur dès le 1er juin 2017, ne concernera que les versions britanniques des moteurs de recherche.

Certains « défenseurs » de la cause des sites pirates n’ont pas manqué de s’interroger sur l’intérêt de ce dispositif, qui ne comporte, selon eux, que peu d’innovations, par rapport aux dispositifs existants. En effet, les requêtes dites « notice and take down » obligent déjà les ayants droit à identifier les sites comportant des contenus illicites, souvent avec pour résultat un déréférencement complet. Google a d’ailleurs indiqué que les termes du code, qui ne sont pas encore connus en détail, n’apporteront pas de changement significatif à sa politique actuelle. Il importera donc de voir comment cet accord sera concrètement mis en œuvre et appliqué.

Sources :

  1. « Search engines and creative industries sign anti-piracy agreement », Press release, 20 February 2017, Intellectual Property Office, https://www.gov.uk/government/news/search-engines-and-creative-industries-sign-anti-piracy-agreement.
  2. C. Cass., 1re Ch. civ., 12 juillet 2012, n° 11-20358, SNEP c./ Google France et Google Inc., FS-P+B+I, Gaz. Pal., 25 juillet 2012, p. 9-12, note C. Le Goffic.
  3. TGI Paris, réf., 8 juillet 2016, n° 16/53589, SNEP c./Microsoft France et Microsoft Inc., Gaz. Pal., 25 octobre 2016, p. 19-20, obs. L. Marino.
  4. CJUE, 3e Ch., 24 novembre 2011, Scarlet Extend c./ Sabam, n° C-70/10, PI, n° 45, octobre 2012, p. 436-438, obs. V.-l. Benabou.

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